Accueil > Vie culturelle > La révolte des vignerons de 1907 à Aigues-Vives : histoire et (...)
La révolte des vignerons de 1907 à Aigues-Vives : histoire et exposition
l’exposition "Tanin 2007" du 24/5 au 7/6 à Aigues-Vives commémore cette révolte historique
vendredi 25 mai 2007, par
En 1907, une révolte paysanne éclatait dans le Languedoc-Roussillon. Notre village d’Aigues-Vives (Gard) en fut l’un des hauts lieux en étant le premier village du Gard dont l’équipe municipale démissiona par solidarité avec les vignerons.
Rappelons qu’à l’époque la culture de la vigne faisait vivre plus de 150 familles, soit environ 900 personnes, à Aigues-Vives (contre 6 ou 7 aujourd’hui).
C’est pourquoi, dans le cadre des manifestations qui
célèbre le centenaire de cette révolte, la cave coopérative viticole d’Aigues-Vives a été retenue pour être l’une des étapes de cette commémoration du 24 mai au 7 juin 2007.
Le 25 mai, les enfants de l’école d’Aigues-Vives, des classes de Mme Lou et de Mme Garcia, se sont rendus à l’exposition itinérantes, cahier en main, découvrir la symbolique des oeuvres proposées par les artistes Raoul Cuadrado, Daniel Bégard et François Viguié, Chantal Cazeaux, Jomy, Fernand Soual et Bruno Sellenet.
Denis Goellner était là pour raconter l’histoire de la révolte vigneronne aux enfants d’Aigues-Vives.
Un peu d’histoire...
En 1907, confronté à la concurrence des betteraviers du Nord qui fraudent en produisant du vin artificiellement (sucrage, mouillage, alcoolisation), le monde viticole méridional est en crise.
Peu à peu, chez les petits viticulteurs, les ouvriers agricoles de l’Hérault, de l’Aude, du Gard et des Pyrénées-Orientales, la misère s’installe.
Rassemblés autour d’un leader, Marcellin Albert, et par la suite du maire de Narbonne Ernest Ferroul, au printemps
1907, chaque dimanche les vignerons manifestent dans les villes du Midi. Le mouvement s’amplifie et descend dans la rue. Le 2 juin à Nîmes, une manifestation rassemble plus de 250.000 vignerons.
Des heurts éclatent avec les forces de l’ordre envoyées par Georges Clémenceau.
L’armée intervient aussi et tire dans la foule, mais certains régiments, composés majoritairement de fils de vignerons, se mutinent, comme par exemple le 17e régiment d’infanterie de Bézier.
Le mouvement vignerons laissera plusieurs morts dans ce conflit.
Quant aux soldats du régiment rebelle, en guise de punition et malgré l’indulgence promise par les autorités militaires, ils furent envoyés loin de leurs familles, en Tunisie.
Cette révolte des viticulteurs de la région, connue sous le nom de "révolte des vignerons" sera la plus importante révolte paysanne du 20ième siècle.
Voici ce qu’en dit M. Rémy Pech, professeur d’histoire contemporaine à l’université de Toulouse-Le Mirail :
"Le 11 mars 1907, 87 vignerons du village d’Argeliers conduits par Marcellin Albert se rendent à Narbonne où siège une commission d’enquête parlementaire envoyée pour étudier la crise de mévente des vins qui sévit depuis sept ans. Afin d’obtenir le droit de vivre en travaillant leur terre, ils exigent que la lutte contre la fraude soit mise à l’ordre du jour et inaugurent une série de manifestations pacifiques qui envahissent, dimanche après dimanche, les esplanades des villes du Languedoc et du Roussillon pour atteindre le 9 juin, à Montpellier, le chiffre de 500 000 participants, inégalé depuis. Bientôt
rallié par Ernest Ferroul, maire socialiste de Narbonne, et appuyé sur une mobilisation générale sans distinction d’opinion ni de classe sociale, Marcellin Albert adresse au gouvernement de Clemenceau un ultimatum pour le vote d’une loi et déclenche, le 10 juin, la grève de l’impôt et la démission des municipalités. Le Midi est occupé militairement, la plupart des dirigeants de la révolte sont emprisonnés, des fusillades font six morts à Narbonne les 19 et 20 juin. Le 17ème régiment d’infanterie de Béziers se mutine alors, et ne se soumet que sous promesse d’indulgence, avant d’être expédié à Gafsa ( Tunisie).
Reçu par Clemenceau le 23 juin, Marcellin Albert est discrédité par le prêt d’un billet de 100 francs pour payer son retour.
Les 29 juin et 15 juillet sont votées les lois qui encadrent pour un siècle la production et le marché des vins en France, en imposant la déclaration des récoltes, en réglementant le sucrage, en pourchassant la fraude et en contrôlant le mouvement des vins. La Confédération générale des vignerons (C.G.V.), première organisation d’un grand secteur agricole, est créée à Narbonne, le 22 septembre, sous la présidence de Ferroul.
Le mouvement de 1907 a tenu en haleine la presse nationale et l’opinion publique pendant plusieurs mois, ce qui suffirait à justifier son évocation. Par sa masse, sa durée, l’unanimité manifestée, il représente la dernière grande révolte paysanne qui s’est déroulée en France, devenant une référence permanente pour d’autres mouvements. Par ses méthodes modernes : fixation des objectifs, propagation des mots d’ordre par la presse, pancartes, discours, interventions parlementaires, il illustre la démocratie participative. Par ses résultats qui inaugurent une intervention permanente de l’État dans la régulation d’un secteur économique, il modifie profondément l’économie française. Enfin, il institue des préoccupations écologiques et éthiques, avec la défense du vin naturel, et politiques, avec la référence affirmée au midi occitan, la volonté de défendre l’emploi et la prise en compte des spécificités régionales dans la conduite des affaires publiques."
La révolte de 1907 couvait déjà depuis plusieurs années. Son leader, Marcellin Albert se battait déjà depuis longtemps pour faire avancer les choses dans le monde vigneron. On retrouve dans cette histoire, un personnage célèbre d’Aigues-Vives, Gaston Doumergue, qui deviendra plus tard, Président de la troisième République
Voici ce que nous raconte de cette période, qui amena à la révolte de 1907, M. Jean Clavel, spécialiste de l’histoire viticole languedocienne :
"Le 30 avril 1905, Jean Jaurès venait parler aux arènes de Béziers, principalement aux ouvriers agricoles en grève. Mais Marcelin était présent, accompagné de 30 vignerons d’Argeliès, et ils avaient mis leur programme sur leurs chapeaux : « Viticulteurs méridionaux, travailleurs agricoles, ouvriers, commerçants, Debout, Debout pour le salut du Midi, Par la grève des corps élus, par le refus de l’impôt, défendons nos droits à l’existence ».
Les parlementaires de la majorité gouvernementale, socialiste Félix Aldy, les radicaux G. Doumergue et Albert Sarraut tentent d’obtenir de l’Assemblée un titre fiscal de mouvement pour les achats de sucre à partir de 50 kg, et une surtaxe sur les vins de sucre. Le 14 juin ce projet est repoussé par 386 voix contre 200.
Cette décision politique provoque une montée en puissance de l’action du Comité d’Argeliès. Le Conseil municipal d’Argeliès démissionne le 16 juin, et recueille une première pétition 400 signatures principalement , « les
soussignés décident de poursuivre leurs justes revendications jusqu’au bout, de se mettre en grève contre l’impôt, de demander la démission de tous les corps élus, et engagent toutes les communes du Midi et de l’Algérie à suivre leur exemple aux cris de : Vive le vin naturel ! à bas les empoisonneurs ! » suivi de celui d’Alignan du Vent, de Puissalicon, d’Aigues Vives. Dans l’Hérault 33 conseils municipaux approuvent les démissions et sont près à suivre. Le 19 juin mille vignerons réunis à Sallèles d’Aude décident de s’opposer par la force aux interventions des huissiers qui venaient saisir les biens des plus endettés, et cette décision a une application immédiate, un huissier qui venait saisir un vigneron d’Argeliès, dut repartir, un peu secoué, avec un billet : « Les soussignés, agissant en vertu d’une décision prise par les contribuables et viticulteurs de la commune d’Argeliès, invitent le porteur de contraintes, à cesser toutes poursuites au sujet du recouvrement de l’impôt. ».
Le Comité Régional Viticole prépare une manifestation de protestation pour le 2 juillet aux arènes de Béziers qui réunit 15 000 personnes, de nombreux ouvriers sont présents aux côtés des viticulteurs et des décisions sont prises, démission des élus, il ne sera pas opposé des candidats lorsque de nouvelles élections surviendront, les propriétaires promettent de ne plus licencier de personnel, mais cette volonté semble contestée par les municipalités des grandes villes, Béziers, les élus du Gard refusent la grève des impôts...."
"La vigneronne", chant de la révolte des vignerons de 1907 était un vrai "tube"...
Chant des manifestants vignerons de 1907.Ce "Chant de Guerre" était extrait de l’Opéra « Le Dauphin Charles IV » d’ Halévy. Adapté par le docteur Senty et le pharmacien Blanc, d’Argeliès dans l’Aude, compagnons du Comité de Marcelin Albert, sur un texte de leur création, ils le chantaient dans leurs assemblées.
Voici le texte de la chanson :
"Jadis tout n’était qu’allégresse
Aux vignerons point de soucis
Hélas ! Aujourd’hui, la tristesse
Règne partout en ce pays (bis)
On n’entend qu’un cri de colère
Un cri de rage et de douleur (bis)
—
Guerre aux bandits narguant notre misère
Et sans merci guerre aux fraudeurs,
Oui, guerre a mort aux exploiteurs,
Sans nul merci guerre aux fraudeurs
Et guerre a mort aux exploiteurs
Oui...
—
En vain on veut sécher nos larmes
Nous berçant d’espoir mensongers ;
Les actes seuls donnent des armes
Quand la patrie est en danger (bis)
Tous au drapeau, fils de la terre
Et poussons tous ce cri vengeur (bis)
—
C’est dans l’union qu’on aiguise
Les glaives qui font les vainqueurs,
Et la victoire n’est promise
Qu’à l’union des gens de coeur (bis)
Quand la bataille s’exaspère
Il ne faut pas de déserteurs ! (bis)"
Quant aux soldats du 17ième régiment d’Infanterie de Bézier qui refusèrent de tirer sur la foule (ils mirent la crosse en l’air) malgré les ordres de leurs officiers, un chant antimilitariste et révolutionnaire leur fut consacré en 1907.
Paroles de Montéhus, musique de Chantegrelet et Doubis.
Malgré certains aspects patriotiques, cette chanson symbolise la révolte du contingent.
En voici les paroles :
"Légitim’ était votre colère,
Le refus était un grand devoir.
On ne doit pas tuer ses père et mère,
Pour les grands qui sont au pouvoir.
Soldats, votre conscience est nette :
On n’se tue pas entre Français ;
Refusant d’rougir vos baïonnettes
Petit soldats, oui, vous avez bien fait !
Refrain
Salut, salut à vous,
Braves soldats du 17ème ;
Salut, braves pioupious,
Chacun vous admire et vous aime ;
Salut, salut à vous,
A votre geste magnifique ;
Vous auriez, en tirant sur nous,
Assassiné la République.
Comm’ les autres vous aimez la France,
J’en suis sûr même vous l’aimez bien.
Mais sous votre pantalon garance,
Vous êtes restés des citoyens.
La patrie, c’est d’abord sa mère,
Cell’ qui vous a donné le sein,
Et vaut mieux même aller aux galères,
Que d’accepter d’être son assassin.
Espérons qu’un jour viendra en France,
Où la paix, la concorde régnera.
Ayons tous au cœur cette espérance
Que bientôt ce grand jour viendra.
Vous avez j’té la premièr’ graine
Dans le sillon d’ l’Humanité.
La récolte sera prochaine,
Et ce jour là, vous serez tous fêtés."
Voir les photos de 1907 sur la révolte des vignerons
Pour en savoir plus sur la révolte des vignerons de 1907 à Aigues-Vives et ailleurs, ainsi que sur la viticulture en Languedoc-Roussillon, voir :
les causes profondes de la révolte des vignerons en 1907 par Jean Tosti
Messages
1. La révolte des vignerons de 1907 à Aigues-Vives : histoire et exposition, 2 février 2014, 18:32, par ma pomme
bonjour, votre exposé est de bien bonne qualité, et les paroles de la vigneronne sont bien présentes. Cependant, ilmanque la mélodie. Comprennant qu’il est difficile de la trouver, toutes excuses pour cette remarque. Magré tout,il serait sohaitable, pour les amateur d’histoire et de musique, d’entendre cette chanson. Elle pourrait être à nouveau la "chansonette qui resonnerait dans beaucoup de régions ou la vigne est exploitée, sachant qu’aujourd’hui, particulièrement dans les Corbières, la vie redevient difficile. Merci de votre compréhension. Avec tout le respect que je vous dois, encore merci pour votre exposé.